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. 386  XLVIIIIdéologie.Si le comte de Monte-Cristo eût vécu depuis longtemps dansle monde parisien, il eût apprécié en toute sa valeur la démarcheque faisait près de lui M.de Villefort.Bien en cour, que le roi régnant fût de la branche aînée ou dela branche cadette, que le ministre gouvernant fût doctrinaire,libéral ou conservateur ; réputé habile par tous, comme on réputegénéralement habiles les gens qui n ont jamais éprouvé d échecspolitiques ; haï de beaucoup, mais chaudement protégé parquelques-uns sans cependant être aimé de personne,M.de Villefort avait une des hautes positions de la magistrature,et se tenait à cette hauteur comme un Harlay ou comme un Molé.Son salon, régénéré par une jeune femme et par une fille de sonpremier mariage à peine âgée de dix-huit ans, n en était pas moinsun de ces salons sévères de Paris où l on observe le culte destraditions et la religion de l étiquette.La politesse froide, lafidélité absolue aux principes gouvernementaux, un méprisprofond des théories et des théoriciens, la haine profonde desidéologues, tels étaient les éléments de la vie intérieure etpublique affichés par M.de Villefort.M.de Villefort n était pas seulement magistrat, c étaitpresque un diplomate.Ses relations avec l ancienne cour, dont ilparlait toujours avec dignité et déférence, le faisaient respecter dela nouvelle, et il savait tant de choses que non seulement on le 387  ménageait toujours, mais encore qu on le consultait quelquefois.Peut-être n en eût-il pas été ainsi si l on eût pu se débarrasser deM.de Villefort ; mais il habitait, comme ces seigneurs féodauxrebelles à leur suzerain, une forteresse inexpugnable.Cetteforteresse, c était sa charge de procureur du roi, dont il exploitaitmerveilleusement tous les avantages, et qu il n eût quittée quepour se faire élire député et pour remplacer ainsi la neutralité parde l opposition.En général, M.de Villefort faisait ou rendait peu de visites.Sa femme visitait pour lui : c était chose reçue dans le monde, oùl on mettait sur le compte des graves et nombreuses occupationsdu magistrat ce qui n était en réalité qu un calcul d orgueil, qu unequintessence d aristocratie, l application enfin de cet axiome :Fais semblant de t estimer, et on t estimera, axiome plus utilecent fois dans notre société que celui des Grecs : Connais-toi toi-même, remplacé de nos jours par l art moins difficile et plusavantageux de connaître les autres.Pour ses amis, M.de Villefort était un protecteur puissant,pour ses ennemis, c était un adversaire sourd, mais acharné ; pourles indifférents, c était la statue de la loi faite homme : abordhautain, physionomie impassible, regard terne et dépoli, ouinsolemment perçant et scrutateur, tel était l homme dont quatrerévolutions habilement entassées l une sur l autre avaient d abordconstruit, puis cimenté le piédestal.M.de Villefort avait la réputation d être l homme le moinscurieux et le moins banal de France ; il donnait un bal tous les anset n y paraissait qu un quart d heure, c est-à-dire quarante-cinqminutes de moins que ne le fait le roi aux siens ; jamais on ne levoyait ni aux théâtres, ni aux concerts, ni dans aucun lieu public,quelquefois, mais rarement, il faisait une partie de whist, et l onavait soin alors de lui choisir des joueurs dignes de lui : c était 388  quelque ambassadeur, quelque archevêque, quelque prince,quelque président, ou enfin quelque duchesse douairière.Voilà quel était l homme dont la voiture venait de s arrêterdevant la porte de Monte-Cristo.Le valet de chambre annonça M.de Villefort au moment oùle comte, incliné sur une grande table, suivait sur une carte unitinéraire de Saint-Pétersbourg en Chine.Le procureur du roi entra du même pas grave et compasséqu il entrait au tribunal ; c était bien le même homme, ou plutôt lasuite du même homme que nous avons vu autrefois substitut àMarseille.La nature, conséquente avec ses principes, n avait rienchangé pour lui au cours qu elle devait suivre.De mince, il étaitdevenu maigre, de pâle il était devenu jaune ; ses yeux enfoncésétaient caves, et ses lunettes aux branches d or, en posant surl orbite, semblaient faire partie de la figure ; excepté sa cravateblanche, le reste de son costume était parfaitement noir, et cettecouleur funèbre n était tranchée que par le léger liséré de rubanrouge qui passait imperceptible par sa boutonnière et qui semblaitune ligne de sang tracée au pinceau.Si maître de lui que fût Monte-Cristo, il examina avec unevisible curiosité, en lui rendant son salut, le magistrat qui, défiantpar habitude et peu crédule surtout quant aux merveilles sociales,était plus disposé à voir dans le noble étranger  c était ainsiqu on appelait déjà Monte-Cristo  un chevalier d industrievenant exploiter un nouveau théâtre, ou un malfaiteur en état derupture de ban, qu un prince du Saint-Siège ou un sultan desMille et une Nuits.« Monsieur, dit Villefort avec ce ton glapissant affecté par lesmagistrats dans leurs périodes oratoires, et dont ils ne peuvent ou 389  ne veulent pas se défaire dans la conversation, monsieur, leservice signalé que vous avez rendu hier à ma femme et à mon filsme fait un devoir de vous remercier.Je viens donc m acquitter dece devoir et vous exprimer toute ma reconnaissance.»Et, en prononçant ces paroles, l Sil sévère du magistratn avait rien perdu de son arrogance habituelle.Ces paroles qu ilvenait de dire, il les avait articulées avec sa voix de procureurgénéral, avec cette raideur inflexible de cou et d épaules qui faisaitcomme nous le répétons, dire à ses flatteurs qu il était la statuevivante de la loi.« Monsieur, répliqua le comte à son tour avec une froideurglaciale, je suis fort heureux d avoir pu conserver un fils à sa mère,car on dit que le sentiment de la maternité est le plus saint detous, et ce bonheur qui m arrive vous dispensait, monsieur, deremplir un devoir dont l exécution m honore sans doute, car jesais que M.de Villefort ne prodigue pas la faveur qu il me fait,mais qui, si précieuse qu elle soit cependant, ne vaut pas pour moila satisfaction intérieure [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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